2024
Je partage ici des compositions inspirées par l'oeuvre holocinétique de K-soul, Jardin Cosmique. Les dernières compositions avec MISGANA, "La reine de SABA, Misgana Queen of SHEBA, Cantique des cantiques (enregistrements en cours). Et en bonus des extraits du documentaire Pin-up, un siècle de fantasmes de Jérôme Camusat.
En partant d'un texte de Paracelse sur la sagesse, je tisse un lien avec le présent en mettant au cœur ma rencontre avec la culture érythréenne avec Misgana Girmae. Production "Résidences croisées", septembre 2023 à Genève.
Qu’est-ce qui vous a attiré dans « La Reine de Saba » ?
Je suis revenu en 2020 à Genève, en pleine période du Covid. Au chômage, en tant que compositeur, donc sans grand débouché. Il y avait le projet de l’Hospice général sur les Résidences croisées. On m’a gentiment invité à y répondre. Je devais traiter de la migration. Sous l’angle de la crise des migrants actuelle, je n’étais pas très emballé.
J’étais comme tout le monde, enfermé pendant des jours. Pour passer le temps, j’écoutais des podcasts. Il y en a eu un très inspirant sur Paracelse, un alchimiste suisse de la fin du XVe siècle, début du XVIe. Dans l’un de ces textes, il disait que pour connaître les choses, il fallait user ses souliers et son chapeau. Cela a fait écho avec ma vie, où j’ai beaucoup voyagé, beaucoup appris des autres cultures. Dans ce texte, Paracelse expliquait également qu’un amoureux pouvait franchir de grandes distances pour retrouver l’être aimé, qu’une reine avait bien traversé des mers pour connaître la sagesse de Salomon.
J’avais envie de parler de la migration d’une manière positive et cet élan amoureux qui a franchi les époques représentait une belle trame. J’ai décidé d’orienter mon travail sur la Reine de Saba, car c’est bien d’elle qu’il s’agit. Et d’y poser une trame de reggae.
En tant que musicien, j’ai bien connu l’univers du reggae à ses débuts. J’ai rencontré des producteurs et d’autres musiciens qui ont compté dans ce registre. Et puis cette musique m’intéresse. Mais quel rapport me direz vous ? Il faut savoir que le mouvement rastafari porté par la musique reggae reconnait les empereurs d’Ethiopie comme descendants de Dieu sur terre, et cette lignée d’empereurs est précisément issue de l’union entre le Roi Salomon et la Reine de Saba, dont leur fils, Ménélik, fut le premier empereur.
Comment votre projet a-t-il pris corps ?
Je savais déjà que j’allais composer une pièce musicale sur une rythmique inspirée du reggae, qu’il y aurait une récitation d’extraits du texte de Paracelse sous forme de slam. Et très vite m’est venue l’idée de reprendre le Cantique des cantiques qui évoque sous un angle poétique et sensuel, la rencontre de Salomon et de la Reine de Saba. Je voulais que ce soit une jeune femme éthiopienne qui assure cette partie là. Je me suis rendu auprès de l’Association des médiatrices interculturelles, qui s’occupe de favoriser l’intégration des personnes issues de la migration. On m’a fait rencontrer Misgana. C’est vrai qu’elle avait tout d’une reine. Si on avait éteint la lumière à ce moment-là, elle aurait illuminé la pièce.
Elle n’est en Suisse que depuis 7 ans, après avoir connu les camps au Soudan. Elle a dû apprendre le français, puis a réussi sa maturité artistique et suit actuellement des études de droit à l’Université. Elle est un modèle d’intégration par excellence.
Elle a été séduite par mon projet artistique. Le Cantique des cantiques étant un livre de la Bible, elle n’a évidemment eu aucune peine à en trouver une traduction en tigrinya. Elle a en plus une voix extraordinairement mélodieuse et chaleureuse. Elle a fait les enregistrements de son côté et m’a rendu une piste son absolument parfaite, comme une professionnelle. Tout semble naturel chez elle.
L’habillage musical a été complété par un vieux complice musicien, Claude Jordan, qui est un excellent flûtiste et dont les instruments en bois d’Egypte ont donné une réponse chaude et envoûtante à mes synthés.
Que pensez-vous du résultat ?
Mon idée de départ s’est concrétisée exactement comme je l’avais espéré. Réussir à faire une pièce musicale, à la Coltrane, très puissante et destinée à envoyer des salves de bonnes vibrations. Et diffuser un message de paix.
Jardin cosmique - Partita 701 est un vidéo mapping musical féérique. La musique de Laser fusionne avec les peintures holocinétiques de K-soul. Du mariage improbable des pulsations se dégage une rythmique holocinétique, un univers sonore futuriste. Cette fusion invite le spectateur dans un voyage à travers notre univers. Un spectacle envoutant, magique, cosmique !
« C’est un ami de Léonard Gianadda qui m’a fait part du travail de K-soul et j’ai été absolument enthousiasmé. Normalement je n’aime pas le non-figuratif, je fais des expositions de peintres du 19ème siècle comme Félix Vallotton ou du début du 20ème siècle avec Giacometti. Par curiosité j’ai rencontré K-soul et j’ai été absolument émerveillé. Dans l’art de K-soul il n’y a pas d’objet que vous pouvez définir, c’est vraiment l’émerveillement de l’imaginaire. Pourquoi est-on proche de Kandinsky, de Klee, de ces peintres là ? Parce que c’est une peinture qui va chercher derrière les formes les secrets de la lumière, du mouvement de la matière, qui va chercher à l’intérieur de la chose elle-même. C’est la vibration que tous ces peintres ont recherché et ont voulu définir, et que K-soul a réalisé. »